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Au Siècle des Poètes

6 août 2013

Tancrède de Visan - Le Clair Matin Sourit

Le Clair Matin Sourit,  de Tancrède de Visan (Vincent Biétrix,  1878 – 1945) est paru en 1937, édité par « en cette bonne ville de Lyon ». Il est précédé de Mon Crédo Poétique. Il a principalement écrit des essais, notamment sur sa ville natale.

 

 

Eternel Désir

 

Chère, il ne faut pas rompre ce charme,

Qui fait de notre extase un mensonge divin.

Si nous allions nous réveiller demain,

Déçus dans nos désirs et notre amour en larmes !

Il ne faut pas rompre le charme

Qui fleurit de grand lys notre double jardin.

 

Sachons parer chaque heure fortunée

D’une couronne neuve et d’un feuillage vert ;

Tels des enfants rieurs, au rond-point d’une allée,

Tressent un diadème au vieux faune pervers,

Et placent, chaque jour, sur le socle entr’ouvert,

Par la lèpre du temps et la dent des bourrasques,

Comme un nouveau printemps de guirlandes fantasques.

 

Exaltons notre joie en fleuristes adroits

En l’art de cultiver la flore de nos vies,

Avec un tel transport d’âmes inassouvies,

Avec de si légers attouchements de doigts,

La chauffant d’un si doux soleil illusoire,

Et l’arrosant de l’eau si claire de nos cœurs,

Qu’à tout moment présent nous sentions s’émouvoir

Un parterre tout frais et chargé de bonheur,

Naître de jeunes tiges et des germes mûrir,

Dont nous composerions le bouquet de nos rires.

 

Qu’un spectre lumineux surgisse devant nous,

Qui devienne nous-mêmes projetés en nos rêves ;

Et qu’autour de nos pas une aurore se lève,

Comme un chant de marin mélancolique et doux.

 

Qu’une auréole d’or nous vête et nous fiance,

Et qu’un miracle naisse de notre volonté :

Soyons cette oasis si fraîche en son silence,

Qu’on invente et qu’on hume à deux un soir d’été,

Une oasis chère aux troupeaux, bordée de palmes,

Plus belle d’avoir été désirée tout le jour.

Chère, il ne faut point rompre le charme,

Qui nous lie à la gerbe humide de l’amour.

 

Sachons nous couronner d’illusions heureuses,

Et de pampres de joie,

Comme au retour des vignes, les vendangeuses

Portent la hôte pleine et ploient,

Le corsage entr’ouvert et la poitrine dure,

Sous le fardeau poisseux des ivresses futures.

 

Vivons la vie à même nos transports,

Accoudés à l’amour ainsi qu’à la terrasse,

Où grimpe un liseron parmi ce lierre vivace :

Aspirons tout le soir, tout le calme du port.

 

La nuit palpite autour des lointaines lumières

Ah ! Sans parler !...Sans parler !...

L’air est bon et léger et simple comme un frère,

Qui tend la main avant de s’endormir.

Ne plus rien désirer, ne plus rien acquérir,

Au sommet attendu de cette pente rude,

Que cette éternité et cette plénitude.

Tout est là-bas :

La mer, l’espace,

Les pays neufs, les peuples forts, les voiles blanches,

Et d’autres mondes et des étoiles qui passent,

-           Tant de regards fixés qu’on ne voit pas.

Ah ! Parle bas !

 

Si tu venais heurter d’une vaine parole

Notre amour à genoux et toucher son épaule,

Sous l’azur recueilli !

Si d’un mot dur tu m’empêchais de croire !...

Pas de bruit, pas de bruit !

Notre bonheur dépend d’une heure de mémoire.

 

Etre toi-même, que m’importe !

Une femme un peu frêle, et lasse, et sans pensée,

Assise sous ma porte…

 

Demeure celle que j’ai rêvée.

 

 

 

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6 août 2013

Jane Mercier-Valenton - Lettre à Francis Eon

Outre le recueil Choses qui furent, Jane Mercier-Valenton a publié ses poèmes dans diverses revues avant la 1ère guerre mondiale.

J’ai trouvé sur Internet trace de parutions dans les revues Hélios (n°5 – février 1909 – poème « un livre » - on trouve également dans ce numéro des textes de Georges Duhamel, Francis Jammes, Louis Mandin, etc. -info trouvé sur le site « Les Petites Revues ») et le Beffroi (n° 100 de nov-dec 1912 et n°101 Jan-fev-mars 1913).

La lettre ci-dessous fait état d’une autre parution de poèmes de Jane Mercier-Valenton. Elle est adressée à Monsieur Francis Eon, avocat, Fontenay le Comte, Vendée (qui était également poète).

 Le 17 septembre 06

Monsieur,

J’ai reçu hier votre lettre ainsi que les revues et je vous remercie bien sincèrement de votre si aimable obligeance.

Je ne m’attendais pas à voir si tôt de mes vers insérés dans la revue du Bas-Poitou car Madame David m’avait parlé de ce projet comme encore lointain, étant remis à son retour définitif à Fontenay.

Hier, je n’ai eu que le temps de feuilleter rapidement les revues mais j’y ai déjà rencontré des pages que j’aurai grand plaisir à lire ces jours-ci.

Je mets dans ma lettre les quelques lignes de Monsieur Valetti, car je pense que vous tenez à conserver les cartes de vos amis.

Recevez, Monsieur, en même temps que mes remerciements, l’assurance de mes sentiments distingués.

J. Mercier-Valenton

(collection LB)

6 août 2013

Lily Lodé-Zwercher - Sous le Signe du Soleil

Le recueil Sous le Signe du Soleil, paru en 1934 aux éditions J. Verdier rassemble des poèmes de Lily Lodé-Zwercher écrits entre 1914 et 1934, ainsi que le précise la dédicace présentée en fin d'article, et réalisée en 1951. Lidy Lodé-Zwercher n’a –semble-t-il- pas produit d’autres livres de poésie mais au moins divers romans entre 1941 (C’était l’âge du vrai pain blanc) et 1950 (Le Choix des 20 ans).

 

 

La Femme Inconnue

 

Me penchant, sur ton être, avec avidité,

Comme une conscience austère et sympathique.

J’ai connu les tourments de ta dualité,

Sans lever, ni briser, ton beau masque hermétique.

 

Je te sais folle amante, aux secrètes ardeurs,

Un volcan gronde en toi, magnifique et farouche ;

Nul n’a su deviner ses rouges profondeurs,

Car un sourire frais d’enfant fleurit ta bouche.

 

Ton regard veut se faire insaisissable et doux.

Mais, sous ton front marqué d’une précoce ride,

Contre le feu qui flambe et la lave qui bout,

Je sais ta lutte ardente, exaspérée, aride.

 

Quand tu te sens vibrer, comme un bel arc tendu,

Un émoi lancinant fait soudain ta voix rauque.

Mais l’on ne sait, menant leur sabbat éperdu,

Les désirs prisonniers au fond de ton œil glauque.

 

 

* * * * *

 

Je T’ai Voulu

 

Je t’ai voulu longtemps tout pareil à moi-même,

Docile à mon délire ou ma froide raison,

Avec, devant tes yeux, mon unique horizon,

Et l’écho de ma voix pour dictame suprême.

 

Je t’ai voulu plus grand, plus beau, plus heureux même

Que n’importe quel être, en ton humble maison,

Mes baisers me semblant la seule floraison

Capable de joncher ta vie et mon poème.

 

Impérieusement sévère, et t’adorant,

J’ai voulu t’élever, fut-ce en te déchirant,

Jusqu’à mon Idéal impossible et splendide.

 

Mais je veux te chérir humainement et mieux,

Si bon sois-tu, jamais tu ne deviendras Dieu,

Et je dois t’aimer. Toi, plus que mon rêve avide.

 

Avec notre Bonheur, pour soleil, dans mes cieux.

 

 

" à Monsieur et Madame Jean Olivier en souvenir de la bonne journée du 22 janvier 1951,

ce recueil très ancien qui contient des poèmes écrits entre 1914 et 1934"

(collection LB)

 

6 août 2013

Anna de Noailles - L' Honneur de Souffrir

L’honneur de Souffrir, d’ Anna de Brancovan, Comtesse de Noailles, (1876 – 1933) a paru en 1927 et a connu de très nombreuses rééditions. Sur la couverture, une phrase tirée de l’Antigone, de Sophocle : « J’aurai plus longtemps à plaire à ceux qui sont sous terre qu’à ceux qui sont ici ».

 

 

I

 

 -  Dans l’âpre solitude où tu vis désormais,

Faut-il que jamais plus nul désir ne pénètre ?

 

-  Je suis seule, en effet, et suis digne de l’être.

J’habite la ténèbre où sont ceux que j’aimais.

 

-  Que fais-tu des vivants ?

-  Plutôt que de descendre

A des choix moins parfaits, je préfère les cendres.

 

-  Ne veux-tu plus goûter d’exaltantes saisons ?

-  L’instinct est un bonheur qui n’est pas la raison.

Pour l’esprit renseigné, comblé triste et lucide,

Tout est douleur. La mort a des sucs moins acides.

 

-  Pour supporter le jour, ou ne le point haïr,

N’est-il pas de plaisir dont tu veuilles jouir ?

 

-  La volupté contient les choses infinies :

La musique, les cieux, la gloire, l’agonie.

Mais ne recherchant pas d’éphémères essais,

Je veux gémir encor des plaisirs que je sais.

 

-  Rien ne fléchira donc ta plaintive exigence,

O corps plein de savoir, esprit plein de refus ?

Ne te reste-t-il rien du trésor que tu fus,

Et que tu répandais, même par négligence !

Rien ne te reste-t-il ?

-  Non, rien. L’intelligence.

 

 

II

 

Ainsi la vie simple et savante,

L’exaltante splendeur des cieux,

Nos regards qui jouaient entre eux,

Notre loyauté, ma constante

Tendresse, mon cœur soucieux

De toi, dont j’étais dépendante,

-  Puisque tu me laisses vivante

Alors que se sont clos tes yeux,

 

 

III

 

Chaque jour j’entends qu’en silence

Se détache insensiblement

De mon être quelque élément

Dont se composait ma puissance.

 

Chaque heure dérobe à mon sort

Un peu du radieux mystère

Que mon orgueil n’a pas su taire,

Et qui fit mon nombreux essor !

 

Je sens, à toutes les minutes,

S’élancer de mon cœur secret

L’agile joueuse de flûte

Dont le mouvement t’enivrait,

 

Et, tandis que sur l’humble rive

Je semble retenue encor,

Je cours, frustrant les cœurs qui vivent,

Vers l’allégresse de la mort !

 

 

« A ma chère amie Mademoiselle Weimann

dont l’intelligence et le cœur me sont également chers -

et qui sait toute mon affectueuse gratitude.  Anna de Noailles »

 

(collection LB)

5 août 2013

Lise Lamarre - Les Chants de la Solitaire

Les Chants de la Solitaire est un recueil de poèmes de Lise Lamarre (1894 – 1951), paru en 1931 aux Editions de la « revue mondiale ». Le livre a été en son temps couronné par l’Académie Française. Lise Lamarre a écrit quelques autres ouvrages (contes, romans…) mais visisblement peu de poésie. Elle était en outre journaliste et chroniqueuse. Deux livres posthumes (Précocité et Gouttes de Lumière) ont été édités en 1954 et 1959, on peut les trouver parfois accompagnés d’une dédicace du mari de l’auteure comme par exemple « en souvenir d’une solitaire qui savait illuminer d’un sourire les êtres et les choses ». Son dernier livre est Prisons Folles (1949) traitant de son incarcération à la libération, qui aurait fait suite à une « arrestation arbitraire provoquée par les accusations de deux crapules, faux résistants à la solde des nazis » (précision de Jeanne Lenglin dans l’avant-propos de Gouttes de Lumière).

 

 

Lise Lamarre (2)

 

FÊTE D’ÉTOILES

 

C’est un soir lustré de rayons d’étoiles,

Leur fête aux flambeaux se mire aux étangs,

La nue, en fuyant, accroche ses voiles

A leurs lampes d’or qui veillent les temps.

 

De minuit sonnant se répète l’heure,

Lourde tant de fois des vœux des mortels,

Que son triste écho déchire le ciel.

…Le paradis luit sur l’homme qui pleure

 

 ***

 

SUR LE CHEMIN DU SOUVENIR

 

Sur le chemin du souvenir,

Ce soir j’ai voulu revenir.

 

Au hasard j’ai marché longtemps,

Puis dans un sentier de printemps,

J’ai fait halte quelques instants…

 

Avril ! Avril ! Aube frileuse

Couleur de robe d’amoureuse !...

 

Et j’ai pleuré sur l’âme douce,

Plus caressante que la mousse,

Que j’eus au temps que l’herbe pousse !...

 

Sur le chemin du souvenir

Il ne faut jamais revenir.

 

***

 

RENDEZ-VOUS TRISTE

 

Je vous rencontrerai, par hasard, dans l’allée

Du parc où, vers le soir, j’égarerai mes pas,

Un livre, mon humeur, seuls m’auront isolée,

Ce ne sera que…par hasard, n’oubliez pas !

 

 

Je partirai trop tôt, non pas pour être à l’heure,

Mais pour flâner ici, là-bas, me divertir

A goûter en passant ces riens qui nous effleurent

Et qui font cependant nos pas se ralentir.

 

Enfin, très en retard j’arriverai candide,

Connaissant tous mes torts et le front ingénu,

Mon sourire sera réticent et timide

Et, sans hâte, j’irai vers vous d’un pas menu.

 

Je vous tendrai la main désinvolte et rieuse,

M’assiérai sur le banc d’un geste harmonieux,

Croisant trop mes genoux sous ma jupe soyeuse,

Mais, si modestement, je baisserai les yeux…

 

Vous parlerez alors, disant ce qui m’offense

Ou devrait m’offenser. J’écouterai très peu,

Assez pour esquisser une noble défense

De vous ouïr, ce qui aggravera l’aveu.

 

Et puis décidément, renonçant à prétendre

Arracher à vos mains l’éternel encensoir,

Je prendrai le parti, fâcheux de vous entendre

Et me disposerai pour jouir du beau soir.

 

Je me dirai : ce banc est tout verdi de mousse.

Les arbres sont très vieux, ah, comme il fait beau temps !

Sans entendre, mais bercée à votre voix douce,

Alors j’accepterai que vous parliez longtemps.

 

Je me rappellerai des heures aussi belles

De mon seul temps vécu : l’enfance au goût de miel.

Depuis combien de nuits ai-je fermé mes ailes ?

Qui me ramènera vers un seuil paternel ?

 

Et le secret instinct qui me dit d’être triste

Et que rien ne sera pour moi réalisé :

Bonheur tremblant de femme ou beau labeur d’artiste,

Me pâlira soudain dans le soir irisé.

 

Et cet ange inconnu que l’avenir afflige,

Pleurera doucement, la main sur mes cheveux…

Ah ! C’est une autre voix, pour chasser ce vertige,

Qui devrait murmurer, ce soir, d’autres aveux !

 

Et juste à ce moment interrompant le rêve,

Tout fier de ma pâleur, certain de m’émouvoir,

Tendrement vous direz : que cette heure fut brève !

Et vous me quitterez avec un peu d’espoir.

 

IMGP5980

 

 

 

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4 août 2013

Jane Mercier-Valenton - Choses qui Furent

Je n'ai pas trouvé trace d'autres livres de cette poétesse dont le recueil "Choses qui furent" parut en 1907 aux Editions du Beffroy (Roubaix). Elle se maria le 21 septembre 1908, en l'Eglise Notre-Dame-de-Mirebeau,  avec M. Jacques Pons, lequel, indique une note d'un dédicataire sur le faire-part, a été plus tard "tué à l'ennemi".

IMGP5985

 

LA TRES DOUCE PROMENADE

 

Pas à pas, erre dans la brume matinale ;

Traverse le village où s'ouvrent les maisons,

Les jardinets, les prés aux lourdes floraisons

Offrent pour tes regards leur fraîcheur estivale.

Tu viendras t'appuyer aux pierres des vieux ponts,

 

Et là, tes yeux rêveurs, fixés sur la rivière

Où se berce enchaîné quelque pauvre bateau,

Tu verras rejaillir au loin les gouttes d'eau

Surgissant sous les doigts bruns d'une lavandière,

A genoux, sur le sol, à l'abri du coteau.

 

L'heure n'a pas été de rires profanée,

Car l'horizon est pur comme des yeux d'enfant.

Le ciel n'a pas encor cet éclat triomphant

Qui dessèche et blondit la folle graminée

Et de blancs nénuphars, l'eau s'en va, se coiffant.

 

Auprès des peupliers, très longuement demeure,

En rythmant ta chanson sur celle des battoirs.

Dans le matin rosé sombre l'effroi des soirs

Et la chauve-souris, qui dans la nuit t'effleure,

Dort à l'aube, parmi tous les papillons noirs.

 

Le Vieux-pont. Sanxay


* * * * *

 

DANS L'OMBRE

 

Des rouges cerisiers, les feuilles fugitives

Se détachent et vont se froisser en tombant.

A travers le jardin, je veux, me promenant,

Broyer du bout du pied les herbes maladives.

 

Il fait nuit...l'on croirait qu'un monde s'agenouille

Sur un sépulcre obscur sans pouvoir l'ébranler.

L'on pourrait écouter quelque chose râler,

Parmi les bruits lointains des portes qu'on verrouille.

 

Les étoiles n'ont plus cet air fallot des cierges :

Elles ressemblent à d'étranges vers luisants,

Et l'on entend, là-bas, crier les paysans.

La brise chaude a fait ployer les brins d'asperges.

 

Dans l'ombre grandissante, éprise de murmures,

Où tout frémissement de feuille est un soupir,

Je ne veux plus rester et, sans pouvoir m'enfuir,

J'ai peur. mais, au hasard, mes doigts cueillent les mûres.

 

Sanxay - 1903

 

* * * * *

 

LA MAISON MORTE

 

J'avais clos les volets, les portes et la grille,

Car partout j'avais mis l'ombre des jours de deuils,

En la douce maison que la glycine habille

Ainsi qu'un vêtement de veuve...et le grand seuil,

Que nos pas ont franchi pour des adieux immenses,

Me semblait un gardien reposant. Désormais,

Comme un coffret porteur de lointaines essences,

Le logis contenait les larmes que j'aimais.

 

Mais vous ne savez pas et vous êtes venue.

Les volets ont claqué, brusques, sur le mur gris,

Pour que le jour egayât mieux la chambre nue,

Le salon, l'escalier...Puis vous avez souri.

Vos mains ont arrangé des tentures jolies

Afin de vous complaire où d'autres ont vécu,

Vous avez arraché, près des tapisseries,

Les clous et les rubans qui seuls ont survécu.

 

Sans vous apercevoir que ces petites choses,

Eparses sur les murs ou fuyant sous vos pas,

Faisaient une âme tendre à tant de chambres closes,

Où, sans même y songer, vous vous parliez tout bas.

Vous n'avez pas compris la muette agonie

Que souffrit au grand jour la très douce maison.

Vous l'avez sans amour et sans crainte envahie,

Vous y avez jeté la mort de la saison.

 

Riez, car vainement la demeure nouvelle

Cherchera son passé dans le soir automnal.

Il n'est que le parfum moqueur de l'immortelle.

J'ai su le recueillir...Depuis mon coeur a mal.

Vous pouvez entr'ouvrir joyeusement la porte,

Puisque songes et pleurs sont revenus vers moi.

Ame des vieux jardins et de la maison morte,

De mon foyer nouveau, je tends les mains vers toi.

 

octobre 1906

IMGP5983

 

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  • Par les pages jaunies de leurs recueils, parfois inconnu(e)s ou oublié(e)s, j'ai souvent l'impression que ces femmes et ces hommes me parlent à travers le siècle. Je les entends, je les écoute, au hasard des rayonnages de ma bibliothèque encombrée...
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