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Au Siècle des Poètes
5 août 2013

Lise Lamarre - Les Chants de la Solitaire

Les Chants de la Solitaire est un recueil de poèmes de Lise Lamarre (1894 – 1951), paru en 1931 aux Editions de la « revue mondiale ». Le livre a été en son temps couronné par l’Académie Française. Lise Lamarre a écrit quelques autres ouvrages (contes, romans…) mais visisblement peu de poésie. Elle était en outre journaliste et chroniqueuse. Deux livres posthumes (Précocité et Gouttes de Lumière) ont été édités en 1954 et 1959, on peut les trouver parfois accompagnés d’une dédicace du mari de l’auteure comme par exemple « en souvenir d’une solitaire qui savait illuminer d’un sourire les êtres et les choses ». Son dernier livre est Prisons Folles (1949) traitant de son incarcération à la libération, qui aurait fait suite à une « arrestation arbitraire provoquée par les accusations de deux crapules, faux résistants à la solde des nazis » (précision de Jeanne Lenglin dans l’avant-propos de Gouttes de Lumière).

 

 

Lise Lamarre (2)

 

FÊTE D’ÉTOILES

 

C’est un soir lustré de rayons d’étoiles,

Leur fête aux flambeaux se mire aux étangs,

La nue, en fuyant, accroche ses voiles

A leurs lampes d’or qui veillent les temps.

 

De minuit sonnant se répète l’heure,

Lourde tant de fois des vœux des mortels,

Que son triste écho déchire le ciel.

…Le paradis luit sur l’homme qui pleure

 

 ***

 

SUR LE CHEMIN DU SOUVENIR

 

Sur le chemin du souvenir,

Ce soir j’ai voulu revenir.

 

Au hasard j’ai marché longtemps,

Puis dans un sentier de printemps,

J’ai fait halte quelques instants…

 

Avril ! Avril ! Aube frileuse

Couleur de robe d’amoureuse !...

 

Et j’ai pleuré sur l’âme douce,

Plus caressante que la mousse,

Que j’eus au temps que l’herbe pousse !...

 

Sur le chemin du souvenir

Il ne faut jamais revenir.

 

***

 

RENDEZ-VOUS TRISTE

 

Je vous rencontrerai, par hasard, dans l’allée

Du parc où, vers le soir, j’égarerai mes pas,

Un livre, mon humeur, seuls m’auront isolée,

Ce ne sera que…par hasard, n’oubliez pas !

 

 

Je partirai trop tôt, non pas pour être à l’heure,

Mais pour flâner ici, là-bas, me divertir

A goûter en passant ces riens qui nous effleurent

Et qui font cependant nos pas se ralentir.

 

Enfin, très en retard j’arriverai candide,

Connaissant tous mes torts et le front ingénu,

Mon sourire sera réticent et timide

Et, sans hâte, j’irai vers vous d’un pas menu.

 

Je vous tendrai la main désinvolte et rieuse,

M’assiérai sur le banc d’un geste harmonieux,

Croisant trop mes genoux sous ma jupe soyeuse,

Mais, si modestement, je baisserai les yeux…

 

Vous parlerez alors, disant ce qui m’offense

Ou devrait m’offenser. J’écouterai très peu,

Assez pour esquisser une noble défense

De vous ouïr, ce qui aggravera l’aveu.

 

Et puis décidément, renonçant à prétendre

Arracher à vos mains l’éternel encensoir,

Je prendrai le parti, fâcheux de vous entendre

Et me disposerai pour jouir du beau soir.

 

Je me dirai : ce banc est tout verdi de mousse.

Les arbres sont très vieux, ah, comme il fait beau temps !

Sans entendre, mais bercée à votre voix douce,

Alors j’accepterai que vous parliez longtemps.

 

Je me rappellerai des heures aussi belles

De mon seul temps vécu : l’enfance au goût de miel.

Depuis combien de nuits ai-je fermé mes ailes ?

Qui me ramènera vers un seuil paternel ?

 

Et le secret instinct qui me dit d’être triste

Et que rien ne sera pour moi réalisé :

Bonheur tremblant de femme ou beau labeur d’artiste,

Me pâlira soudain dans le soir irisé.

 

Et cet ange inconnu que l’avenir afflige,

Pleurera doucement, la main sur mes cheveux…

Ah ! C’est une autre voix, pour chasser ce vertige,

Qui devrait murmurer, ce soir, d’autres aveux !

 

Et juste à ce moment interrompant le rêve,

Tout fier de ma pâleur, certain de m’émouvoir,

Tendrement vous direz : que cette heure fut brève !

Et vous me quitterez avec un peu d’espoir.

 

IMGP5980

 

 

 

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Au Siècle des Poètes
  • Par les pages jaunies de leurs recueils, parfois inconnu(e)s ou oublié(e)s, j'ai souvent l'impression que ces femmes et ces hommes me parlent à travers le siècle. Je les entends, je les écoute, au hasard des rayonnages de ma bibliothèque encombrée...
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